«La durabilité ne se fait pas d’un coup», dit Urs Neuhauser.

Griesser accorde une grande importance à la protection de l’environnement. Ces dernières années, de nombreuses améliorations ont été réalisées, se réjouit Urs Neuhauser, CEO de Griesser. En particulier, le nouveau site de production à Nenzing, en Autriche, représente pour lui une percée sur la voie de la neutralité climatique.

Monsieur Neuhauser, le Conseil Fédéral vise la neutralité climatique de la Suisse d’ici 2050. L’Union Européenne a elle aussi exhorté ses États membres à atteindre cet objectif dans les mêmes délais. Des lois plus strictes en termes de viabilité environnementale ont été adoptées dans de nombreuses régions. Vous sentez-vous sous pression pour adapter votre gamme de produits et revoir vos processus de fabrication ?

Nous estimons que les dispositions légales en Suisse et dans l’Union Européenne sont trop modérées. Elles ne sont donc pas à l’origine de nos réflexions. Nous avons entre 3 et 5 ans d’avance sur les mesures proposées. La fabrication éco et socio responsable de produits durables fait partie des valeurs fondamentales solidement ancrées dans les gènes de notre entreprise familiale.

Bien que nous recherchions la réussite économique, nous tenons surtout à agir en faveur de la société dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle nous articulons les objectifs stratégiques de Griesser autour de la viabilité environnementale et collaborons depuis 2026 – soit près de 20 ans – avec la fondation de protection du climat myclimate. Ensemble, nous avons réussi à faire en sorte que nos stores soient réparés et recyclés en fin de vie.

Nous travaillons par ailleurs à l’amélioration constante de notre bilan environnemental au travers de différents projets et mesures. Il y a quelques temps, nous avons par exemple revu l’ensemble de la domotique du bâtiment administratif de notre siège à Aadorf. Elle datait d’il y a plus de 30 ans ! En été, nous rafraîchissons désormais les locaux grâce à l’eau du cours d’eau qui traverse le terrain et ne recourrons plus à un système de climatisation. À l’époque, cette transformation était révolutionnaire.

Souhaiteriez-vous que la législation en matière de protection du climat soit plus stricte?

La viabilité environnementale est un objectif ambitieux que l’on ne peut pas atteindre sans effort. Je pense que les législateurs devraient responsabiliser davantage tout le secteur de la construction. C’est en ce sens que je me suis engagé auprès de CEO4Climate, une initiative swisscleantech regroupant des entrepreneurs suisses qui veulent apporter une contribution majeure à la protection du climat. Nous avons déposé des motions au Conseil national pour démontrer que les acteurs économiques sont en faveur de lois climatiques plus strictes. Nous faisons également partie d’organisations européennes et collaborons avec des acteurs de toute l’Europe qui partagent ces mêmes valeurs.

Tout cela est très bien! Mais malheureusement les mutations législatives sont souvent de longue haleine. Il est plus rapide d’agir à l’échelle des entreprises. Comment se présente votre stratégie climatique?

Il y a 5 ans, nous avons pris la décision de nous concentrer davantage sur la viabilité environnementale de Griesser. Nous avons commencé par convertir notre flotte en remplaçant ses 400 véhicules par des modèles électriques. Nous sommes sur la bonne voie. Concernant les produits, nous sommes le premier fabricant à proposer des toiles de stores composées de PET recyclé. Ces efforts ont d’ailleurs été récompensés d’un Family Business Award en 2022, un prix décerné par la Neue Zürcher Zeitung et la société automobile AMAG aux entreprises familiales exemplaires.

L’objectif le plus ambitieux que nous nous sommes fixé est de transformer nos usines pour atteindre une production totalement neutre sur le plan climatique. Il s’agit d’un réel défi puisque le processus de fabrication de nos produits est très énergivore. Le thermolaquage exige par exemple une température de plus de 200 °C. Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais le nouveau site de production de Nenzing, en Autriche, est une avancée majeure.

En quoi ce site de production à Nenzing se démarque-t-il?

Le nouveau site est la preuve que nos projections étaient réalisables et qu’une production climatiquement neutre est possible. Entre les panneaux solaires installés sur le toit et les façades, les pompes à chaleur et le réemploi sophistiqué des eaux usées, nous arrivons à produire suffisamment d’énergie pour couvrir l’ensemble des besoins de l’usine en été. À cette période de l’année, nous sommes totalement autonomes en énergie et pouvons travailler sans impacter l’environnement. C’est une incroyable performance d’ingénierie. Cette autonomie est toutefois plus difficile en hiver. Pendant les mois les plus sombres, nous restons à ce jour tributaires de l’énergie verte qui provient majoritairement d’une installation photovoltaïque locale. Nous recourrons également au gaz naturel produit à partir de biomasse.

Cette autonomie est toutefois plus difficile en hiver. Pendant les mois les plus sombres, nous restons à ce jour tributaires de l’énergie verte qui provient majoritairement d’une installation photovoltaïque locale. Nous recourrons également au gaz naturel produit à partir de biomasse.

Bien que la production des produits Griesser soit nécessairement énergivore, vous utilisez un levier essentiel pour améliorer votre empreinte écologique: l’aluminium, votre matériau phare.

La moyenne mondiale des émissions de CO₂ par kilo d’aluminium produit est de 16,7 kg. Nous avons réussi à porter cette valeur à 3,3 kg, en diminuant donc notre empreinte carbone par 5.

La production de ce métal léger consomme beaucoup d’électricité, on le sait. Nous sommes partis de cette réalité et utilisons désormais un aluminium produit en Scandinavie grâce à de l’électricité verte d’origine hydraulique. Notre « Green Aluminium » contient une part importante de matériaux résiduels et d’aluminium fondu provenant de matières recyclables. Ainsi, nous améliorons encore davantage notre bilan environnemental. Le Green Aluminium n’est malheureusement que très peu répandu dans l’industrie et seules deux entreprises européennes le produisent pour l’instant. C’est regrettable puisque d’un point de vue écologique, l’aluminium produit de manière responsable et respectueuse de l’environnement est un bon matériau de construction pour l’enveloppe des bâtiments : il résiste aux vents et aux intempéries pendant au moins 50 ans.

Bien que la production de l’aluminium vert soit un peu plus chère que celle de l’aluminium « classique », nous ne répercutons pas la différence sur nos clients. Nous pouvons la compenser en améliorant notre efficience. Nous souhaitons par exemple produire moins de déchets en employant de nouvelles machines et de nouveaux procédés. Nous envisageons aussi de réduire l’épaisseur de nos produits sans en compromettre la qualité.

Les architectes aimeraient des fabricants plus sensibles à la viabilité environnementale qui recyclent davantage leurs produits ou, mieux encore, les réparent.

Nos produits sont tous réparables. Les moteurs comme les composants plastiques peuvent être très facilement remplacés. Un autre effort de compensation que nous appliquons depuis près de 20 ans : nous proposons à nos clients de prendre en charge l’élimination de nos propres produits, sans impact climatique. Nous collectons et trions nous-mêmes les matériaux recyclables et collaborons avec des entreprises partenaires pour réemployer l’aluminium en respectant le principe d’économie circulaire Cradle to cradle qui consiste à réutiliser l’intégralité des matériaux dans le cycle de production.

En ce moment, nous peaufinons par ailleurs l’organisation de nos réparations. Compte tenu de la durabilité de nos produits, il serait par exemple envisageable de les remettre en état pour qu’ils puissent être réutilisés comme des produits d’occasion.

Au début de cet entretien, vous avez indiqué que la viabilité environnementale vous tenait particulièrement à cœur. Ce genre d’informations n’est souvent qu’un « coup de pub ». Que faites-vous concrètement pour entretenir une relation respectueuse et valorisante avec vos collaborateurs ? Quid de l’inclusion et de l’égalité des chances chez Griesser?

Notre communication s’appuie sur des échanges d’égal à égal. En ma qualité de CEO, je vais régulièrement à la rencontre des collaborateurs pour des entretiens et reste à l’écoute de leurs éventuelles inquiétudes et difficultés. Notre fondation Griesser s’occupe par ailleurs des collaborateurs en détresse. Nous sommes aussi une entreprise qui forme ses collaborateurs : nous comptons 40 apprentis en Suisse et nous proposons une large gamme de formations continues en interne au sein de la Griesser Academy.

L’inclusion et l’égalité des chances sont essentielles pour nous. Actifs dans toute l’Europe, 30 nationalités se côtoient chaque jour au travail rien qu’au siège d’Aadorf. En notre qualité d’entreprise industrielle technique, nous regrettons cependant de ne pas compter plus de femmes. Mais nous constatons avec plaisir que leur appétence pour notre entreprise est croissante puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses à postuler à nos formations et que leur nombre se multiplie dans nos services de montage et de vente. La proportion de femmes augmente même dans la production.

Interview réalisée par World-Architects avec Urs Neuhauser, CEO de Griesser.